La leçon du Diamant (fr)

Des statues sont tombées. Après l’assassinat filmé en direct de l’Africain américain Georges Floyd par le policier blanc Derek Chauvin à Minneapolis le 25 mai 2020, des statues sont tombées. Dans l’écho de cette scène d’horreur devenue séquence virale en même temps que « spectacle » impossible à regarder, des statues ont brutalement touché le sol.
Partons alors du principe que cette scène est connue. Pour certain·es, elle est même intimement connue. Et qu’il n’est donc pas nécessaire de la revoir sans fin pour la connaître, qu’elle participe déjà à une manière de penser, de parler, de ne pas parler, de regarder, de baisser les yeux, de se tenir, de respirer. Qu’elle est une archive du corps racisé postcolonial.
Il ne faut pas oublier George Floyd, en tant qu’humain, en tant que vivant, en tant que visage et en tant que voix. Mais il nous faut aussi quitter cette scène, regarder ailleurs, chercher ce qui peut être vu de plus précieux encore, dans les parages et les marges de cette scène qu’on nous impose encore et encore. Et qui est émotionnellement coûteuse. Chercher les restes de vivant, de futur en somme, dans les alentours de cette scène de mort.
La leçon du Diamant débute presqu’au même moment que l’assassinat de Minneapolis. Elle tente cependant d’apercevoir d’autres trafics à l’œuvre, d’autres violences plus sourdes, des violences au cœur de la famille nationale française, violence de proximité que l’on nomme bonté, violence que l’on nomme générosité, égalité, fraternité, paternalisme et reconnaissance.


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La série des « leçons » est composée de courts textes d’interventions – accompagnés parfois de quelques notes et propositions de lecture. Le principe est d’observer depuis une perspective décoloniale un événement actuel et situé. Il ne s’agit pas de donner une leçon au sens magistral du terme évidemment, mais plutôt de partager ce que nous enseigne une situation si on prend le temps de la regarder au-delà de ses apparences et des diversions que peuvent produire certains discours autorisés et emballements médiatiques. C’est donc un exercice d’attention pour ce qui est à peine audible, visible. Quand l’écran de fumée se dissipe, lentement apparaissent des motifs qui seront utiles pour établir de nouveaux espaces de paroles, de vie et d’idées, d’autres sources de connaissance, manière de sentir, de représenter et transmettre. En somme, d’autres esthétiques et chemins politiques vers des lieux habitables. Ce travail se veut aussi pratique que possible et vise à engager des actions. Parler de politique, d’actions, est aujourd’hui la garantie d’une forme de discrédit intellectuel au nom de la scientificité. Ce n’est peut-être pas le plus grave car engager des actions à dimension politique c’est prendre sa part de risque ; ce qui m’apparaît aujourd’hui comme le seul antidote, la seule issue pour échapper à l’économie néolibérale des savoirs, à l’extraction et à l’accumulation confortable de connaissances sur des vies fragiles et invivables, jusqu’à leur épuisement. C’est un geste du vivant vers un autre vivant.

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